Carte mentale Élargissez votre recherche dans Universalis Jusqu'à la fin des années 1950, les auteurs ont eu tendance à assimiler accroissement du revenu par tête et développement. Significatif à cet égard
est l'intitulé des ouvrages de l'époque. Il fait référence à la seule croissance économique, comme le livre de Lewis, Theory of Economic Growth (1955) ou celui de Walt
Whitman Rostow, The Stages of Economic Growth (1958). Selon cette approche, les économies sous-développées ne se distinguent des économies développées que par leur incapacité à produire un revenu suffisant. Pour passer au stade supérieur, elles devraient imiter les pays occidentaux et connaître des étapes prédéterminées, en particulier le stade du décollage où le taux
d'investissement (part de l'investissement brut dans le revenu national) devrait être supérieur à un certain pourcentage. L'assimilation du développement à la croissance économique s'est heurtée à
deux types de critiques. Les premières ont mis l'accent sur l'insuffisance du revenu par tête en tant qu'indicateur de développement. L'indicateur ne prend pas en compte de façon satisfaisante l'autoconsommation des producteurs et la richesse créée par le secteur informel. Il ignore les disparités de revenus qui sont souvent très importantes dans les pays sous-développés. Enfin, il est d'un emploi difficile dans les comparaisons internationales du fait de sa sensibilité au cours des changes. Les
secondes critiques, plus fondamentales, sont d'ordre logique. Le développement implique des changements structurels qui concernent autant les conditions de la production des revenus que les revenus eux-mêmes. C'est un mouvement qui s'inscrit dans l'espace et la durée, concerne l'ensemble de la société et non le seul secteur de la production manufacturière. Il n'y a pas de développement si l'agriculture et la campagne sont sacrifiées, s'il n'y a pas de transformation du secteur des services.
Comme l'a montré pour la première fois la Grande-Bretagne, au xviiie siècle, un pays ne connaît un processus de développement qu'à la condition de constituer un marché et
un système financier cohérents. De même, il n'y a pas de progrès économique à long terme si les institutions politiques et sociales n'accompagnent pas le mouvement. Le développement est irréversible, dans le sens où un retour en arrière est impossible, sauf destruction du capital physique et humain du pays considéré. Le concept de développement s'oppose ainsi à l'idée d'état stationnaire, qui caractérise une situation où l'accumulation de la richesse sociale est nulle sur une longue période. L'irréversibilité du développement conduit à une interrogation sur sa finalité. Quel est l'objectif du développement ? Il est d'abord économique. Le développement vise à l'accroissement de la richesse sociale. Mais, dans la mesure où toute accumulation durable de capital productif (bâtiment, équipements, par exemple) suppose la mise en jeu de ressources humaines adéquates, le développement exige une meilleure prise en compte des besoins fondamentaux. Le sous-développement implique au
contraire une destruction de capacités humaines. Il porte atteinte à l'intégrité physique et morale de l'homme. Le développement apparaît alors comme une impérieuse nécessité. « Il concerne tout l'homme et tous les hommes » (Paul VI, Populorum progressio, 1967). Est-il possible d'associer le développement aux progrès de la rationalité instrumentale et de la liberté ? La question est ouverte, mais on peut faire ici plusieurs observations. Il ne peut y avoir
développement économique sans diffusion des progrès scientifiques et des techniques modernes de production. Cette diffusion est une des principales difficultés que doivent surmonter aujourd'hui les pays sous-développés. Elle a nécessairement pour conséquence un progrès de la rationalité instrumentale, qui n'implique pas en lui-même un progrès de la liberté. L'histoire économique et sociale a montré que le développement pouvait s'accompagner d'une forme d'asservissement au capital
technique. Pensons aux conditions de travail qui ont prévalu et prévalent encore en l'absence d'une législation sociale effective. Mais les analyses les plus récentes des processus de développement sont moins pessimistes
à cet égard. Elles infirment l'idée selon laquelle une génération devrait être [...] 1 2
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Écrit par :
- : professeur d'économie à l'université de Fribourg (Suisse)
Classification
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- Histoire économique
- Économie et gestion
- Développement, croissance et crise
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