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Gorgones et bancs de poissons en Papouasie occidentale, Indonésie. 1Au cœur de la machine climatique terrestre, les océans subissent de plein fouet le changement climatique. Les effets observés aujourd’hui sur le milieu océanique sont nombreux : changements de la température de l’eau et des teneurs en oxygène, acidification, élévation du niveau de la mer, etc. Ces modifications physiques et biogéochimiques, et dans une moindre mesure la sévérité des événements extrêmes, influent sur les conditions de vie dans les océans. La répartition géographique des espèces ainsi que la dynamique des écosystèmes vont subir de profondes perturbations dans les décennies à venir et affecter les pêcheries au niveau mondial. Le déplacement des espèces vers les pôles conduira en particulier à une baisse des ressources halieutiques dans les régions tropicales compromettant la sécurité alimentaire dans nombre de pays du Sud. La vie océanique sous contrainte environnementaleLes océans se réchauffent et s’acidifient2Les océans ont absorbé entre 1971 et 2010 90 % de l’augmentation de l’énergie stockée dans le système climatique terrestre. Ce gigantesque réservoir d’énergie voit donc sa température augmenter sous l’influence du réchauffement global. Selon le 5e rapport du Giec, le réchauffement de l’océan superficiel est en moyenne de 0,11 °C par décennie entre 1971 et 2010. Les océans ont également un pouvoir régulateur vis-à-vis du carbone, en absorbant une partie du dioxyde de carbone émis par les activités anthropiques. Les chercheurs ont longtemps pensé que cette absorption du CO2 était sans conséquence importante pour les océans et pour les organismes qui y vivent. Mais ils se sont rendu compte, il y a une quinzaine d’années, que la dissolution du CO2 dans l’eau de mer entraîne son acidification. Le rôle de l’environnement sur la vie océanique3Ces modifications physiques et biogéochimiques influent sur les conditions de vie dans les océans. En effet, l’environnement a un rôle dominant sur les dynamiques de populations de poissons. Cette influence est connue depuis les travaux de Johan Hjort au début du xxe siècle. Les études des carottes de sédiments océaniques permettent, grâce aux dépôts d’écailles, d’estimer l’abondance en poissons depuis plus de 20 000 ans. Elles ont montré que les stocks de sardines ou d’anchois présentaient de très grandes variations d’amplitude en fonction des conditions climatiques. Remontée du chalut servant à l'échantillonnage des poissons lors d'une campagne océanographique de l'Institut de la mer du Pérou. 4L’environnement influe en particulier sur les conditions de reproduction des différentes espèces. Les poissons pondent des œufs en grand nombre, leur petite taille (environ 1 mm) assurant leur flottaison. Mais 99 % des œufs meurent dans les premiers jours et la vie du 1 % restant est fortement conditionnée par des facteurs environnementaux. Des études récentes menées par l’IRD montrent que le nombre de parents n’expliquerait que 10 % de l’abondance d’une population. Les 90 % restants seraient liés au climat et aux relations écosystémiques. Les changements observés dans les océans influent donc largement sur le cycle de vie des espèces. Mais ils ont également des effets sur le métabolisme des individus (croissance, respiration, etc.), sur les interactions entre espèces (proie-prédateur, hôte-parasite, etc.) et sur les habitats. Des effets en cascade sur la biodiversité marineLe réchauffement de l’eau modifie la distribution des espèces5Poissons et invertébrés marins réagissent directement au réchauffement des océans en se déplaçant, généralement vers les plus hautes latitudes et les eaux plus profondes. Ces migrations leur permettent de rester dans des habitats dont la température est conforme à leurs besoins. Pour de nombreuses espèces étudiées, on constate que la vitesse de déplacement en direction des pôles atteint plus de 50 km par décennie. Des espèces de phytoplancton se sont déplacées de près d’un millier de kilomètres en quelques dizaines d’années, en réaction au réchauffement des eaux. Ces vitesses de migration enregistrées en milieu marin paraissent plus rapides qu’en milieu terrestre. 6Mais le réchauffement de l’eau modifie également les cycles biologiques et l’abondance des organismes marins, du plancton aux grands prédateurs. Le calendrier de nombreuses étapes du développement biologique, telles que la reproduction et la migration des invertébrés et des poissons, mais aussi celles des oiseaux de mer, est devenu plus précoce. Ainsi, au cours des cinquante dernières années, les pics de production de plancton ont lieu plus tôt pour de nombreuses espèces, avec une progression moyenne d’environ 4 à 5 jours par décennie. Si les autres espèces dépendantes de cette production printanière ne décalent pas leur cycle de ponte à la même vitesse que le plancton, leurs larves risquent alors de naître trop tard, quand la nourriture sera moins abondante. Myriades d'alevins en éclosion dans les eaux de Nouvelle-Calédonie. Encadré 14. L’écosystème du courant de Humboldt transformé par l’intensification de l’upwelling Au large du Pérou et du Chili, le courant de Humboldt est un écosystème océanique d’une formidable productivité qui subit les perturbations climatiques du Pacifique. Un large travail interdisciplinaire des chercheurs de l’IRD (unités Marbec, Locean, Legos) et de leurs partenaires permet d’évaluer le rôle du réchauffement climatique dans les évolutions de cet écosystème. Colonie de cormorans sur l'île de Pescadores au large des côtes du Pérou. Toujours sur les côtes
péruviennes, des travaux récents montrent que le réchauffement de l’eau augmente également la stratification des eaux océaniques. Autrement dit, la barrière physique entre l’eau de surface et la zone désoxygénée se renforce (cette barrière est liée à une différence de densité entre les eaux chaudes et peu denses en surface et les eaux froides et denses en profondeur). Une des conséquences est que les tourbillons de la couche de surface de l’océan, qui forment de véritables oasis de vie en
déformant cette barrière, pourraient voir leurs caractéristiques modifiées. Ces changements pourraient affecter directement les populations de poissons. Figure 21. Échogramme acoustique montrant la zone de minimum d'oxygène au Pérou. L’effet amplificateur des interactions entre espèces7Les effets en cascade, dus aux interactions entre espèces, sont également à prendre en compte dans les impacts liés au changement climatique. Dans le cas des interactions trophiques (proie-prédateur), les écologues savent depuis longtemps que la modification de l’abondance et de la répartition des consommateurs clés des chaînes alimentaires peut avoir d’importantes répercussions sur l’ensemble des espèces qui composent ces chaînes. 8Parfois, les transformations du milieu et les interactions peuvent favoriser localement une plus grande densité de poissons. Il existe par exemple une relation bien établie entre la durée de la phase planctonique des larves et la température de l’eau : plus l’eau est chaude, plus cette phase planctonique est courte, parce que les larves se développent plus rapidement. En réduisant la durée de vie planctonique, particulièrement exposée à de multiples prédateurs, les taux de mortalité à cette étape sont réduits. En conséquence, le développement local des poissons concernés est favorisé, à condition qu’une nourriture suffisante et de taille adaptée soit disponible. 9La compréhension des réponses au changement climatique, depuis les organismes jusqu’aux écosystèmes, constitue donc un défi majeur pour la recherche. Un autre niveau de complexité entre aussi en ligne de compte : l’adaptation. Les espèces peuvent en effet s’adapter aux modifications de leur milieu, voire à de nouvelles niches environnementales. Des observatoires de longue durée sont donc nécessaires pour suivre l’évolution des espèces. Menaces sur les écosystèmes coralliensLe blanchissement des coraux10Un impact connu du réchauffement de l’eau sur les coraux est le phénomène de blanchissement corallien. Lorsque la température de l’océan s’élève de quelques degrés, les coraux expulsent des algues microscopiques, les zooxanthelles, avec lesquelles ils vivent en symbiose. Ces organismes leur fournissent pourtant les éléments nutritifs essentiels à leur développement. Sans elles, les coraux s’épuisent et perdent leurs couleurs, laissant alors apparaître leurs squelettes blancs. Le blanchissement peut ainsi conduire à la mort du corail et avoir un impact sur l’écosystème très riche des récifs. Colonie corallienne en phase finale après blanchissement, dans les fonds marins de Tahiti. 11Certains récifs du Pacifique touchés par de forts épisodes de blanchissement du corail il y a bientôt deux décennies ne sont jamais revenus à leur état initial. Des recherches sur des sites coralliens de l’océan Indien ayant subi un blanchissement massif, suite au phénomène climatique El Niño de 1997-1998, montrent également comment la diversité, la taille et la structuration des communautés de poissons suivent le déclin du récif corallien. 12Mais, selon les chercheurs, ces épisodes de mortalité restent toutefois difficilement prédictibles. Si le stress thermique est un facteur de blanchissement, une cascade de processus complexes n’est pas encore élucidée. Des études récentes sur l’état de la barrière de corail en Nouvelle-Calédonie montrent par ailleurs que le phénomène de blanchissement y est peu présent. Les anomalies de température de la mer n’auraient probablement pas atteint les seuils critiques. L’impact de l’acidification sur les organismes calcaires13En diminuant la disponibilité en carbonate de calcium dans l’eau, l’acidification des océans affecte les organismes marins à coquille ou squelette calcaire, en particulier les coraux. Mais les recherches sur les effets de l’acidification commencent à peine. S’il est établi que les réponses des coraux et des algues calcaires à l’acidification diffèrent selon l’espèce considérée, de nombreux travaux sont nécessaires afin de mieux comprendre les différences de vulnérabilité et les capacités spécifiques d’adaptation. Encadré 15. Cartographier les risques pour quantifier la vulnérabilité future des atolls L’étude des extinctions massives de la biodiversité dans les atolls du Pacifique sud entre 1993 et 2012 a permis d’évaluer la vulnérabilité de ces écosystèmes face au changement
climatique. Platier d'îlot à Madang (Papouasie-Nouvelle-Guinée). 14Des recherches en laboratoire montrent que, contrairement aux attentes, plusieurs espèces ne seront pas affectées par l’acidification des océans, alors qu’elles ne pourront pas survivre à un réchauffement de l’eau. Mais les projections globales sur le devenir des récifs coralliens face au changement climatique restent difficiles en l’état des connaissances actuelles. 15L’acidification des océans pourrait également réduire la probabilité de survie de certains poissons, notamment d’espèces commerciales comme le cabillaud. Cette pression supplémentaire sur la ressource halieutique vient fragiliser un peu plus des stocks souvent largement exploités. Modéliser les effets du changement climatique sur les écosystèmes16Les premiers modèles globaux de l’impact du changement climatique sur la vie des océans ont estimé l’évolution de la répartition des espèces de poissons en fonction de la température de l’eau. Ces projections montrent le déplacement des espèces vers des latitudes plus hautes. La zone intertropicale enregistrerait en particulier une diminution du volume de poissons de 15 à 40 % d’ici 50 ans, selon les scénarios climatiques utilisés. Des modèles plus complexes, prenant en compte d’autres critères que la température, comme les changements biogéochimiques de l’océan, permettent progressivement d’améliorer les prédictions. Mais ces estimations à l’échelle du globe sont difficiles à décliner localement. En effet, les modifications de température ou d’acidification sont inégalement réparties dans les océans. Encadré 16. Un laboratoire virtuel pour évaluer l’impact du changement climatique sur les écosystèmes marins Développé par
l’unité Marbec, le modèle Osmose (Object-oriented Simulator of Marine ecOSystem Exploitation) représente en détail le cycle de vie de nombreuses espèces et leurs interactions. Le courant froid de Benguela remonte du sud vers le nord le long de la côté namibienne. 17Une modélisation fine des écosystèmes marins est en particulier nécessaire pour évaluer les effets des interactions entre les différentes composantes du milieu. L’IRD s’est engagé depuis une quinzaine d’années dans la modélisation des écosystèmes pour développer des modèles génériques utilisables par une communauté large de chercheurs du Sud et du Nord. Ces modèles permettent également d’explorer les dynamiques futures des écosystèmes marins. Il s’agit-là d’un exercice difficile en termes de validation et de calibration des modèles, mais qui est aujourd’hui indispensable pour comprendre l’évolution du milieu marin dans un contexte de changement global (encadré 16). L’impact sur la pêche et la sécurité alimentaire mondiale18La pêche est notre dernière activité de prélèvement, à l’échelle industrielle, d’une ressource sauvage sensible aux fluctuations environnementales. Et la pression sur cette ressource s’accroît, alors que la consommation humaine augmente, résultat de la croissance démographique et des changements de comportement alimentaire. Le poisson est aujourd’hui la principale source de protéines animales pour un milliard de personnes à travers le monde. Or, les profondes perturbations des écosystèmes marins attendues dans les décennies à venir vont affecter encore danvantage les pêcheries au niveau mondial, compromettant la sécurité alimentaire dans nombre de pays du Sud. 19Des projections du potentiel mondial de capture ont été faites, à l’horizon 2055, pour plus d’un millier d’espèces de poissons marins et d’invertébrés exploités. Elles montrent que le réchauffement de l’eau peut conduire à une redistribution à grande échelle du potentiel global de capture, avec une augmentation moyenne de 30 à 70 % dans les régions de haute latitude et une baisse pouvant aller jusqu’à 40 % dans les régions tropicales. 20D’autres simulations plus récentes intègrent les effets biochimiques et écologiques dans l’évaluation des impacts. L’acidification des océans et la réduction de la teneur en oxygène pourraient abaisser les potentiels de capture de 20 à 30 % par rapport à des simulations faites sans tenir compte de ces facteurs. Les changements qui affectent la communauté phytoplanctonique pourraient de plus réduire le potentiel de capture projetée de 10 % environ. Pêche à la senne de Sardinella aurita au large de Joal au Sénégal. Encadré 17. Les sardinelles remontent la côte nord-ouest africaine La modélisation de la distribution des sardinelles en fonction des caractéristiques environnementales des milieux confirme une nette tendance de cette espèce des côtes ouest-africaines à migrer vers le nord. Sa remontée sur les côtes du Maroc en fait aujourd’hui une nouvelle ressource pour la pêche marocaine. Figure 22. Évolution de l’aire de distribution de Sardinella spp. au Maroc. Banc de thons à nageoires jaunes dans l'océan Indien. Le déplacement des espèces redessine la carte des pêches21La baisse des stocks de poissons est en passe de transformer la carte des pêches, avec des effets directs sur la sécurité alimentaire et sur l’économie mondiale. Les produits de la pêche sont en effet l’une des ressources renouvelables les plus échangées sur la planète, et plus des deux tiers des poissons sont capturés dans les zones de pêche situées dans les pays du Sud. La diminution des captures dans cette zone induira une réorganisation de tout le système mondial de marché du poisson, en affectant grandement les pays de la zone intertropicale. 22L’IRD, avec la communauté du Pacifique (CPS) et leurs partenaires français, australiens et américains, a étudié la réponse de la biomasse de poissons au changement climatique dans le Pacifique, en fonction des différents scénarios du Giec. D’après les modélisations effectuées, l’élévation de la température des eaux de surface, plus importante à l’ouest du bassin océanique, entraînerait la migration des thons vers la Polynésie, à l’est. La pêche des bonites, poissons de la famille des thonidés qui constituent 90 % des prises, sera très affectée. En effet, les zones de prises s’éloigneraient ainsi des côtes mélanésiennes, des îles Salomon ou encore de Papouasie-Nouvelle-Guinée. L’exode de ces thons en dehors des eaux territoriales de ces pays représentera une perte économique significative, en particulier parce que les droits de pêche versés par les grandes pêcheries internationales représentent une importante rentrée financière pour les petits États insulaires. 23Dans un tel contexte de transformation, la gestion des pêches doit plus que jamais prendre en compte la vulnérabilité des espèces capturées. Une approche écosystémique des ressources halieutiques, autrement dit capable d’intégrer les facteurs environnementaux dans l’évaluation des stocks de poissons, devient alors un enjeu majeur pour éviter l’extinction rapide des espèces. Encadré 18. EuroMarine : des gènes aux écosystèmes dans des océans changeants Le réseau européen de sciences marines EuroMarine a vu le jour en 2014. Des risques de pollution accrus24Un effet peu connu du changement climatique est le risque d’une contamination accrue des poissons par des polluants naturels dans les zones d’upwelling. Les chercheurs de l’IRD et leurs partenaires ont montré en effet le relargage naturel de contaminants, et notamment de métaux lourds, des profondeurs des océans en surface, à cause de l’intensification de l’upwelling sur la côte atlantique marocaine. Les éléments traces métalliques, comme le cadmium, s’accumulent alors dans la chaîne alimentaire aquatique, dans le zooplancton, chez les mollusques et les poissons, puis passent chez les consommateurs terminaux comme les mammifères marins, les oiseaux et l’homme. Les conséquences pour la santé humaine sont d’autant plus préoccupantes qu’une grande partie des captures provient des zones d’upwelling. 25Finalement, le déplacement des poissons est une des manifestations les plus visibles du changement climatique sur le règne vivant. Comprendre et anticiper la redistribution des espèces marines à l’échelle du globe sous l’effet du réchauffement de l’eau permet de fournir des informations importantes pour la planification de la pêche et de la conservation marine. Quelles sont les 4 conséquences du réchauffement climatique ?intensification des précipitations (fortes pluies et grêle) augmentation des cyclones tropicaux violents. augmentation des périodes d'aridité et de sécheresse. recul de la glace de la mer Arctique et de la couverture neigeuse.
Quel est le rôle des océans dans le réchauffement climatique ?L'océan, réservoir de chaleur
« La machine climatique fonctionne grâce à l'énergie solaire et l'océan en est le principal récepteur : il absorbe près de 60 % du rayonnement solaire qui entre dans le système climatique. L'atmosphère, assez transparente au rayonnement solaire, en absorbe deux fois moins. »
Quelles sont les causes du réchauffement des océans ?L'augmentation rapide des gaz à effet de serre dans l'atmosphère provoque l'accumulation de chaleur au sein du système climatique. L'océan absorbe plus de 90 % de l'excès de chaleur accumulé dans le système climatique et se réchauffe.
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