Quelles sont les conséquences économiques ?

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L’obligation de présentation du pass sanitaire vient d’être étendue en France. Selon le ministre de l’Economie, Bruno le Maire, celui-ci « n’a pas d’impact sur l’activité économique du pays, à une ou deux exceptions près, comme les centres commerciaux. » L’économiste Benjamin Coriat, auteur du livre Le bien commun, le climat et le marché, estime toutefois que l’effet de cette législation « n’est pas marginal. »

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1La crise économique internationale actuelle (printemps 2012) n’est ni la première grande crise internationale ni la seule à avoir pour conséquence des coûts sociaux substantiels. Nous avons connu les crises de 1929, 1973, 1979, 1994 et l’actuelle. Toutes ont des profils différents : celle de 1929 était financière et ses conséquences sociales aux États-Unis (et ensuite en Europe) ont été terribles ; celles de 1973 et de 1979 étaient liées au pétrole et plus généralement à la dépendance et au coût énergétiques ; la présente (2008- ?) est plus compliquée, elle a une surdétermination financière et les coûts sociaux qu’elle suscite sont et seront considérables. Il est intéressant de prendre en compte une autre variable de comparaison : celle des conséquences politiques. Plus concrètement, comment ces crises ont-elles affecté les États, et plus génériquement les systèmes politiques de chaque époque ? Tout semble indiquer que cette variable est déterminante pour différencier la crise actuelle des précédentes, car il n’est pas seulement question aujourd’hui de remettre potentiellement en cause tel service social ou telle révision des coûts économiques de l’État-providence. Ce qui est en jeu, de manière clairement inégale selon les pays, n’est rien d’autre que la relation entre la société et la politique dans toute sa complexité. Les hypothèses suivantes s’inscrivent sur une échelle qui va de la plus optimiste à la plus pessimiste. Pourquoi cette indétermination, cette incapacité à « faire de la prospective » ? Simplement parce que nous n’avons pas beaucoup de données pour prospecter.

Qu’est-ce que « gouverner » dans une crise mondiale ?

2Délimitons en premier lieu notre champ de réflexion. Sous le titre Les États sous contrainte économique, ce numéro est essentiellement consacré à la crise économique initiée en automne 2008, et à son impact interne sur la façon dont l’État, ses normes, ses institutions, ses politiques publiques, etc., opèrent pour gouverner nos sociétés. Il s’agit d’observer comment ils nous « gouvernent » non seulement dans le sens institutionnel, mais aussi dans le sens de la « gouvernance ». Toutes les sociétés que nous avons connues dans l’Histoire ont eu besoin, ont généré, ont produit des formes d’État et de gouvernement.

3Cette crise pourrait cependant remettre en cause non seulement telle ou telle politique publique, mais aussi, prenant excuse des exigences de la dynamique macro-économique globale, générer quelque chose de beaucoup plus grave : la perte du secteur public, l’érosion du noyau du politique.

4Ce numéro aborde également les systèmes politiques européens (et en mentionne parfois d’autres, comme les États-Unis, la Chine et les pays émergents), ce qui nous autorise à citer les contributions du défunt Tony Judt, qui, dans les conclusions de deux de ses dernières réflexions [1], nous rappelle : « Quand l’économie et les forces et modèles de comportement qui sont liés sont véritablement internationaux, la seule institution qui puisse effectivement s’interposer entre ces forces et l’individu sans défense est l’État-nation. Un tel État est tout ce qui peut se dresser entre ses citoyens et la puissance sans limites, non représentative, illégitime des marchés, des administrations supranationales insensibles et irresponsables, ainsi que des processus dérégulés sur lesquels les individus et les collectivités n’ont aucun contrôle. »

5En effet, Tony Judt nous rappelle, entre autres, que c’est l’État social et démocratique de droit qui est actuellement sur la sellette, autant dans sa fonction intérieure que dans sa fonction internationale ou tournée « vers l’extérieur ». Dans la première parce que, au niveau interne, continuer à défendre « moins d’État et plus de marché », ou sa variante « la main invisible qui régule tout avec des critères d’efficacité et de rationalité », fait figure de blague de mauvais goût. Dans sa fonction extérieure également, parce qu’une des questions clés de cette crise (comparée à celles du siècle passé) est la suivante : le monde comme système international complexe s’est développé jusqu’à des extrêmes sans précédents. Il ne suffit pas d’invoquer comme un mantra les mots « globalisation », « puissances émergentes », « Chine, Inde, Brésil » ou le « déplacement du centre de gravité de l’Europe à l’Asie-Pacifique ». Tout cela est pertinent, mais construire une théorie politique (qui comprend la relation État-société adaptée à notre époque) requiert plus que trois ou quatre slogans.

6Que faut-il revoir et repenser ? On peut, pour commencer, prendre note du fossé croissant entre le fonctionnement réel et actuel de l’économie mondiale, ainsi que ses conséquences sur l’emploi, la recherche, la consommation et la croissance dans chaque pays, et l’immobilisme structurel de nos systèmes politiques. Le premier a considérablement changé, changement que nous avons tenu pour évident mais que personne n’est réellement capable d’expliquer de manière exhaustive et convaincante. Le second retient davantage l’attention.

7Nos gouvernements, nos systèmes électoraux, nos partis politiques, nos parlements, tous nos processus législatifs et normatifs en général fonctionnent grâce aux mécanismes formels en vigueur ces soixante, quatre-vingts ou même cent dernières années. Ce décalage entre « des processus économiques » qui agissent à leur gré, comme des électrons libres, et nos systèmes politiques, fondés sur des mécanismes institutionnels d’un autre siècle, génèrent diverses réactions dans nos sociétés. L’une consiste à se ranger à l’avis que « c’est inévitable », et qu’il n’y a donc rien à faire. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer de s’adapter comme, par exemple, avec le changement climatique.

8La seconde réaction provient d’un phénomène qui s’est développé en parallèle : le désintérêt croissant des citoyens pour la politique et l’idée diffuse qu’il existerait un abîme entre « nous » (les citoyens) et « eux » (les politiques), auxquels on agrège un « tous pareils ». Ce sentiment est suscité par la prolifération des cas de corruption, de clientélisme, de cooptation entre élites, etc. La troisième question à prendre en compte est le double phénomène de l’accélération du temps politique et de sa relation de cause à effet avec « la dictature de la communication ». La décision publique s’est accélérée à cause de la compression du temps d’analyse, de réflexion, de débat et de dictature du « message », sachant que ce n’est pas seulement la forme qui prévaut sur le contenu, mais aussi la brièveté sur l’ampleur, le superficiel sur l’analytique et le slogan sur le programme. On n’imagine pas, par exemple, de Gaulle, Churchill, Adenauer ou même Truman, prenant leurs décisions gouvernementales au quotidien en suivant les conseils de leurs conseillers en communication (puisqu’ils n’en avaient pas), voire en se souciant de sondages d’opinion hebdomadaires…

9Quoi qu’il en soit, au final, les citoyens votent en pensant que leur voix compte peu ou prou. En Europe occidentale – qui est comme je l’ai dit fondamentalement le lieu de cette réflexion –, les processus électoraux depuis 2008 [2] fournissent des éléments de réflexion intéressants. Ainsi, par exemple, au printemps 2012, le mouvement des Indignés a soulevé l’Espagne de manière spectaculaire et s’est prolongé pendant un mois et demi. Durant la semaine où il y a eu le plus de rassemblements et de manifestations dans quarante villes de tout le pays, on a compté près de 280 000 personnes mobilisées au même moment, mais lors des élections générales suivantes, gagnées par le Parti populaire (pp, conservateur) à la majorité absolue et qui a conduit le Parti socialiste ouvrier espagnol (psoe, social-démocrate) au pire résultat depuis 1977, près de 25 millions de personnes se sont rendues aux urnes. Elles étaient probablement résignées, indignées, sceptiques, mais cela devait être relativement secondaire puisqu’elles sont allées voter. Nous pouvons dire que la crise peut avoir érodé la qualité de la démocratie représentative et l’état d’âme collectif concernant le régime politique sous lequel nous vivons, mais qu’elle n’a pas modifié de manière flagrante la colonne vertébrale de cette démocratie pour laquelle il ne semble pas y avoir de substitut à l’horizon.

Europe ou États souverains ?

10À ce sujet, les voix alarmistes ne manquent pas. Le professeur Joseph Maria Colomer n’a pas hésité à annoncer par exemple « la fin de la démocratie nationale [3] », en développant un argument surprenant : « Peu importe que ce soit un parti de droite ou de gauche qui gouverne un État membre de l’Union, car cela ne change pas grand-chose dans la pratique. C’est l’Union européenne, ou du moins un petit groupe de dirigeants formés, pour les derniers, autour de la présidence du Conseil de l’Europe, qui a pris le contrôle des tâches les plus fondamentales et traditionnelles des gouvernements. L’opportunité créée par l’actuelle crise financière et économique est en train d’achever la perte de souveraineté des États. Et s’il n’y a pas d’État, il n’y a évidemment pas d’État de droit. » Le procès peut sembler excessif et certains de ses arguments sont discutables, mais ils posent une question de fond fameuse bien qu’absurde, à savoir : cette crise n’a-t-elle provoqué rien de moins que « la disparition » de la souveraineté de l’État ? On peut certes avancer que cette souveraineté « est en train de s’éroder » ou qu’elle s’est vue « fonctionnellement limitée » par des contraintes externes et des pouvoirs de facto aussi bien externes (supranationaux) qu’internes (les groupes financiers, par exemple). Mais l’attribution « formelle de souveraineté » reste intacte et il n’y a pas d’hypothèse de substitution à ce jour. Seuls les États, en dernière instance, ont le devoir de prendre des décisions formelles qui obligent tout un chacun. Le débat sur la réforme (ou non) du traité de l’Union instituant le mécanisme européen de stabilité, le nouveau traité en matière de discipline économique et fiscale (2012), en est la preuve.

11Joseph Maria Colomer a raison lorsqu’il définit ainsi un paradoxe de fond : « Alors que l’adoption de politiques publiques obligatoires se situe chaque fois plus au niveau de l’ue, les décideurs au niveau européen proviennent encore d’élections au niveau national. Pour que la démocratie survive et se récupère en Europe, la remise des comptes et le contrôle des gouvernants devraient se transférer du niveau national au niveau de l’Union, où sont déjà prises les décisions pertinentes. » C’est vrai, mais seulement partiellement, car ce n’est pas le seul problème. Finalement, les chefs d’États et de gouvernements qui prennent des décisions à Bruxelles sont eux aussi issus de processus électoraux ouverts et compétitifs, même s’il est vrai que la dérive bureaucratique de l’ue, dans de nombreux domaines de la politique publique, surgit dans des organes non électifs comme la Commission. Mais quelqu’un peut-il penser sérieusement que les grandes décisions et, en dernière instance, celles prises par les membres de la Commission ne soient pas le fruit de négociations et d’un consensus entre chefs d’États et de gouvernements ? Quelqu’un peut-il encore songer que la solution réside dans l’élection au suffrage universel de la Commission, ce « gouvernement de Bruxelles » ? Nombreux sont ceux qui se demandent au contraire si le Parlement européen serait viable, puisque, depuis 1979, son niveau de représentativité décroît régulièrement et de manière soutenue jusqu’à atteindre une moyenne européenne qui se situe autour d’un pauvre 42 %.

12Le problème posé par Joseph Maria Colomer est réel, mais la racine du problème est autre, comme l’a souligné Tony Judt. Les phénomènes de la spéculation financière, par définition aujourd’hui totalement transnationaux et globaux, échappent totalement à la capacité de régulation normative, de contrôle institutionnel, d’accountability de tous nos systèmes politiques nationaux, comme de ceux de l’ue. Jusqu’au point où Union et États membres sont en train de se convertir en intermédiaires et exécuteurs de ces phénomènes financiers spéculatifs échappant au contrôle de légalité (nationale ou supranationale). Cela avalise la thèse selon laquelle il en est nécessairement ainsi parce que ces derniers n’ont ni marge de manœuvre, ni alternatives, ni rien. Et c’est ici, en dernière instance, que la politique pourrait finir par se noyer si nous l’entendons comme la formulation de propositions pour l’action collective.

13Depuis la fin du printemps, une trentaine d’élections dans vingt-six pays de l’ue (moins la Croatie) ont eu lieu. Dans dix-neuf cas, le parti au pouvoir a perdu et a été remplacé par un autre parti, ce qui signifie que, dans deux tiers des cas, le gouvernement est chassé par les électeurs, bien qu’on suppose en général que le gouvernement au pouvoir a un certain avantage dans le contrôle et la gestion du calendrier électoral. Pourtant, le modèle spécifique inhérent à cette crise réside dans la généralisation du châtiment électoral comme réflexe sociologique des citoyens qui, sans nécessairement croire que le gouvernement élu fera mieux, décident que quelqu’un doit être tenu pour responsable de la mauvaise situation. En Allemagne, par exemple, où les élections générales n’ont pas encore eu lieu, le parti d’Angela Merkel a perdu une demi-douzaine d’élections dans d’autres Länder (de fait dans tous ceux où il y a eu des élections régionales, excepté la Sarre), mais il n’est pas sûr qu’avec les données d’aujourd’hui il perde les prochaines élections générales. En parallèle, il peut paraître choquant de voir qu’en Italie et en Grèce le changement de gouvernement ne se soit pas produit par la voie électorale, sinon par une décision externe et supranationale de certains (peu nombreux) pouvoirs de fait : ce qu’on nomme le phénomène Merkozy. La surprise augmente parce que, dans les deux cas, il a semblé important que tout soit fait dans les règles. Tout en se passant d’élections générales, on a eu recours au mécanisme constitutionnel de démission du Premier ministre, au débat parlementaire, au vote d’investiture et enfin à la formation et à l’investiture du nouveau gouvernement. Certains soulignent une double interrogation. Pourquoi cela a-t-il provoqué des réactions sociales violentes (et qui durent) en Grèce avec des affrontements dans les rues des principales villes, et non en Italie qui a une longue tradition de manifestations populaires sur des thèmes politiques et sociaux ? La vérité est que nous ne le savons pas. Est-ce le « berlusconisme », et le scandaleux comportement qui le caractérise, qui est responsable de cet apparent manque de réaction face à ce qu’on peut définir techniquement comme un coup d’État ? Ou peut-on même parler de soulagement collectif ?

14Au Portugal, il y a eu quelques réactions mais pas à l’échelle de celles de la Grèce, alors qu’en Espagne la grève générale du 29 mars est loin d’avoir été marginale. Pourquoi ces disparités de réactions dans des pays européens aux traits sociologiques relativement communs ?

Comment envisager le changement

15Dans ce contexte, les campagnes électorales prennent un air surréaliste. Les partis, surtout ceux qui sont au gouvernement, abordent ces élections de crise dans de très mauvaises conditions. D’un côté, ils doivent faire oublier qu’ils ont gouverné depuis au moins 2008, même s’ils peuvent expliquer que « la crise n’est pas de leur fait », que les causes en sont externes, supranationales, globales, et que c’est « la faute aux marchés », ou à la globalisation. De l’autre, ils doivent promettre qu’il y aura des changements car ils représentent le changement, ou qu’ils représentent le moindre des maux (si leurs équipes de communication sont imaginatives), et qu’avec les autres ce serait pire, et que c’est l’État du bien-être qui est en jeu. En réalité, curieusement, les partis conservateurs de presque toute l’Europe, qu’ils affrontent les élections dans l’opposition ou dans le gouvernement, affirment non seulement qu’ils ne veulent pas démanteler les politiques sociales, sinon qu’ils en sont leurs meilleures garanties. Quant aux partis dans l’opposition (le cas du Parti populaire espagnol, début 2012, est révélateur), ils doivent rester prudents sur ce qu’ils promettent, au risque de perdre leur crédibilité. En temps de crise, la démagogie perd du poids : la principale difficulté est de promettre tout en restant crédible. Pour cela, lorsqu’on est dans l’opposition, le mieux est de se taire, d’attendre que la crise achève de faire plonger le gouvernement sortant et de les remercier, intérieurement bien sûr, d’avoir mené le plus gros des politiques d’austérité et d’ajustements sociaux. Et même dans ces conditions, n’importe quelle proposition financière ou fiscale « dure », comme celle qu’avait formulée un temps le candidat Hollande sur l’imposition à 75 % des « grandes fortunes », paraît extravagante sans l’être nécessairement.

16On peut rappeler que, sous Roosevelt, les impôts ont drastiquement augmenté, le taux d’imposition atteignant près de 90 % (sic !) des fortunes de plus de 100 000 dollars (de l’époque) [4]. Évidemment, c’était Roosevelt et son New Deal, mais Eisenhower n’a pas tellement allégé ce type d’impôt et, sous Nixon, il était encore de 60 %. La révolution fiscale en faveur des riches date des présidences de Reagan et de son double européen, Margaret Thatcher. Entre cela et l’imposition à moins de 20 % de Warren Buffet ou du candidat Mitt Romney, il y a un fossé spectaculaire qui ne devrait pas être totalement irréversible.

17L’une des conséquences internes irréfutables de la crise réside paradoxalement dans les marges qui restent encore aux États et, en général, aux institutions gouvernementales (dans les États décentralisés, fédéraux ou non) pour exécuter les coupes sociales et fiscales aux seuls endroits où ils peuvent le faire : c’est-à-dire dans le secteur public, chez les fonctionnaires, dans les entreprises parapubliques et en direction des politiques sociales qui, par définition, ne peuvent pas uniquement être jugées par des critères coût/bénéfice, comme par exemple dans la santé et l’éducation. Là, le bilan est désolant, en particulier dans les pays déjà cités comme la Grèce, l’Espagne et en bonne partie l’Italie, où l’action politique collective se voit contrainte à la révolte comme expression de refus collectif. Révolte et non révolution, ce qui conduit au développement d’un sentiment antipolitique, qui en dernière instance définit le mouvement des Indignés comme objectivement paradoxal. Cela requiert une explication détaillée.

18Ce ne sont ni les travailleurs de la santé, ni ceux de l’éducation publique, ni les licenciés de telle ou telle multinationale qui sont à l’origine de la crise actuelle. Elle est née de mauvaises pratiques financières et a déclenché des cataclysmes en chaîne, du haut vers le bas, de telle sorte que les mesures traumatiques inévitables finissent par s’accumuler sur ceux d’en bas. Peut-être que le mot « pauvres » dans le sens de l’Europe de 1890 est excessif, mais l’exploité d’aujourd’hui est le tax payer, le citoyen qui n’a pas la possibilité faire de grandes contorsions comptables et sur qui retombe le poids de la crise. Et c’est en cela que les Indignés ont raison : « le motif de la résistance est l’indignation », pas seulement le calcul rationnel, l’analyse scientifique des données macroéconomiques. Dit autrement et parce que les mesures seront évidemment sévères et durables, le temps des gestes symboliques mettant en scène une volonté d’équité est venu. Et il est vrai qu’il n’est pas acceptable que les dirigeants des agences de notation, comme l’a lui-même dénoncé le Congrès américain, augmentent leurs salaires de 69 % (on parle de 9 millions de dollars).

19À propos de la mobilisation contre les coupes budgétaires dans le secteur de la santé publique, les gouvernements ont beau avoir du mal à admettre qu’ils ne peuvent pas agir ainsi, ils doivent aussi comprendre – et c’est l’urgence sur le terrain du symbolique – qu’il y a des choses qui ne peuvent pas être dites.

20Un ministre régional espagnol a ainsi affirmé que la seule chose qui préoccupe les médecins c’est leur porte-monnaie. Eh bien, en plus de négocier, de rectifier ou de supprimer certaines de ses décisions, ce « haut dirigeant » devrait s’excuser parce qu’il a insulté tous les médecins mais aussi parce qu’il nous a tous – les usagers de la santé publique et par extension les usagers du service public – insultés. « L’indifférence est la pire des attitudes », nous lance au visage et avec raison l’ami Hessel (dans son très fameux pamphlet Indignez-vous ! [5]), même si les propositions d’alternatives politiques réelles et viables manquent.

21Un des plus grands dangers de cette dérive vers le désordre social et la disparition du politique consiste en la fragmentation des « champs de réaction » des citoyens. Chaque secteur, chaque segment continue d’être soumis à sa guerre d’usure particulière, et beaucoup croient que c’est une fatalité, qu’il n’y a pas de place pour une réponse transversale. Il y a eu d’abord les fonctionnaires (« des privilégiés qui n’ont pas peur de perdre leurs postes »), puis les travailleurs en cdi (idem), et ensuite les syndicats eux-mêmes, présentés le plus souvent comme des défenseurs corporatistes de leurs propres emplois. C’est dire qu’il est difficile d’établir, ou de rétablir, une réaction sociale collective. Où sont les marchés ? qui les dirige ? d’où provient leur légitimité ? sont les questions récurrentes que se pose chaque segment de la société. Et, évidemment, les médecins, les enseignants, les chômeurs, les employés, les jeunes (en Espagne, 42 % des moins de 30 ans sont au chômage) sont en colère contre le gouvernement. Mais est-ce la bonne cible ? Est-il réaliste de s’en prendre à eux ? Les gouvernements ont-ils créé la crise ? Les gouvernements peuvent-ils contrôler la crise et surtout ses effets sociaux ? Il semble bien que non ! Et bien sûr que non ! La crise de 2008 est mondiale, ses causes sont globales, et ses responsables sont introuvables dans un rayon de 500 kilomètres autour de chaque citoyen. L’indignation croissante, dispersée, fragmentée, face à une telle chose devrait être globale, mondiale, internationale, alors que, pour le moment, elle n’est ni organisée ni encadrée dans son expression politique. Comment passer des manifestations de rue aux propositions ?

22Première question. Pourquoi la Banque centrale européenne inonde-t-elle d’argent à 1 % d’intérêt le secteur bancaire européen, alors que ces banques (dans plusieurs pays) ouvrent des crédits aux institutions gouvernementales (mairies, provinces, régions, institutions nationales) à 5 % ? Ah, c’est qu’on ne peut pas laisser tomber le secteur bancaire parce qu’il n’y aurait notamment plus de crédit. Mais il n’y a plus de crédit de toute façon ! Et le citoyen peut se demander, entre autres questions et en fonction de son modeste et limité champ de compréhension, pourquoi la bce est en train de subventionner les banques privées en leur garantissant un bénéfice de 4 % à trois ou cinq ans ? Et question subsidiaire du citoyen : est-il certain que la bce puisse offrir ces crédits aux banques privées sans aucune contrepartie d’aucune sorte ?

23Deuxième question. Les idéologies sont-elles mortes et enterrées ? La lutte des classes a-t-elle disparu ? Pourtant les idéologies ne disparaissent jamais totalement, elles ont toujours existé et existeront toujours car, comme l’énergie, selon les lois de la physique, qui ne se crée ni ne se détruit, elles se transforment. Le propre de toute société est de se doter d’institutions, de lois et de formes de légitimités sociales pour que les contradictions sociales entre classes, groupes, factions, etc., s’expriment par des canaux non destructifs. Or c’est cela qui a été pulvérisé par la crise et ses conséquences concrètes sur nos systèmes politiques. Le débat sur comment, en temps de crise, combiner de manière adéquate des mesures de rigueur, de discipline économique et de stimulation de l’économie est vieux de plus d’un siècle, comme le débat sur le chômage, l’inflation, la dette, le déficit et leurs utilisations stratégiques.

24Troisième et dernière question. Peut-on réellement penser que les idéologies et les classes ont disparu ? Les idéologies vont aujourd’hui de l’indignation au fatalisme, en passant par l’ingéniosité et la superficialité du récit des partis politiques et par l’éloignement de la citoyenneté qui en découle. En dernière instance, le problème est différent : la lutte des classes, appelez-la comme vous voulez, existe et continuera d’exister, mais, à l’heure actuelle, nous ne savons pas quelles sont les classes qui s’affrontent. Nous devons repenser profondément une des plus grandes mutations des vingt ou trente dernières années, la véritable complexité de notre société contemporaine : ses lignes de fracture, ses lignes de confrontation, la fragmentation de ses champs de revendications et surtout comment ses multiples représentations d’intérêts ont changé, tant la relation aux partis politiques qu’aux syndicats, ou aux diverses formes associatives de la société civile. C’est-à-dire, face à la crise actuelle, qui représente qui, de quelle manière et avec quels moyens d’action ? Et avec quels objectifs ?

Notes

  • [1]

    Tony Judt, Ill Fares the Land, Londres, Allen Lane-Penguin, 2010 ; Tony Judt, Reappraisals. Reflexions on the Forgotten Twentieth Century, Londres, Penguin, 2008 (trad. fr., Retour sur le xxe siècle. Une histoire de la pensée contemporaine, Paris, Éditions Héloïse d’Ormesson, 2010).

  • [2]

    Au moment du bouclage, l’auteur n’avait aucune donnée sur le résultat des élections françaises.

  • [3]

    Joseph Maria Colomer, « El fín de la democracía estata », El País, 2 mars 2012.

  • [4]

    Voir De Standar, cité par Courrier international, n° 1116, mars 2012.

  • [5]

    Stéphane Hessel, Indignez-vous !, Montpellier, Indigène éditions, 2010.

Quelles sont les conséquences de la crise économique ?

La crise économique est également susceptible d'avoir un impact sur le niveau des investissements énergétiques effectués au cours des prochaines années, et donc sur le moment où de nouvelles capacités de production sont susceptibles d'arriver sur le marché.

Quels sont les causes économiques ?

Une économie peut se développer grâce à l'industrie, aux ressources naturelles ou agricoles, au tourisme et aux services. Elle peut également être plus ou moins dépendante de l'aide internationale. Ces différents facteurs influent sur la probabilité qu'un conflit puisse éclater et perdurer dans le temps.

Quelles sont les causes et les conséquences de la crise économique ?

La majorité des crises économiques majeures qui ont secoué l'économie mondiale ont lourdement impacté le marché du travail et de l'emploi. De nombreuses faillites d'entreprises expliquent un taux de chômage en hausse et une diminution du produit intérieur brut (PIB) des pays touchés.

Quel sont les conséquences économiques du capitalisme ?

Il est généralement constaté que le capitalisme permet une croissance économique plus forte. La mesure dans laquelle les différents marchés sont libres, ainsi que les règles définissant la propriété privée, est une question de politique et de la politique, et de nombreux États ont ce qu'on appelle des économies mixtes.