Quand aurons nous de la moutarde

Sécheresse au Canada, guerre en Ukraine, insecte ravageur… Tous les éléments sont réunis pour que la graine de moutarde reste une denrée rare.

Nos lecteurs et lectrices s’en émeuvent : « Depuis plusieurs semaines, le rayon moutardes et mayonnaises est aux trois quarts vide dans mon Intermarché et une affiche signale des difficultés d’approvisionnement », nous alerte Hélène qui habite dans le nord de la Loire.

« Bizarrement la moutarde est partout en rupture de stock. Est-elle aussi fabriquée en Ukraine ? », s’interroge Marcel. Même à Dijon et dans son agglomération, les pots de moutarde manquent à l’appel, comme le fait remarquer Frédéric.

De la moutarde de Dijon fabriquée avec des graines canadiennes

Plusieurs facteurs expliquent la pénurie de moutarde, explique Intermarché sur ces affiches en rayon :

Quand aurons nous de la moutarde

KriXus7/Twitter.com

En effet, même quand elle s’appelle « de Dijon » ou « de Reims », la moutarde est souvent fabriquée à partir de graines provenant de l’étranger, l’Hexagone n’en produisant pas suffisamment. Seule l’IGP « moutarde de Bourgogne » prévoit que les graines ont été récoltées en France, dans la région bourguignonne.

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Une terrible sécheresse en Amérique du Nord

Les fabricants importent généralement leurs graines du Canada, premier exportateur au monde. Mais depuis 2020, le pays a réduit sa surface de production de 50 % au profit de cultures plus rémunératrices comme le blé. À cela s’ajoute une récolte 2021 particulièrement mauvaise à cause d’une terrible sécheresse en Amérique du Nord.

La production canadienne de graines de moutarde est donc passée de 135 000 tonnes en 2019 à 99 000 tonnes en 2020, avant de s’effondrer à moins de 50 000 tonnes en 2021, selon les autorités.

Et parmi les autres pays exportateurs majeurs, on trouve la Russie et l’Ukraine… Inutile de dire que la récolte 2022 et les exportations risquent d’être très perturbées.

Des prix multipliés par quatre ou cinq

« Cette baisse de récolte de graines se traduit par des productions de moutarde d’ores et déjà suspendues chez certains fabricants, une multiplication jusqu’à 4 ou 5 des prix de la graine de moutarde, et une situation de pénurie », alerte la Fédération des industries condimentaires de France (FICF). La France a besoin de 35 000 tonnes de graines de moutarde et n’en a eu que 15 000.

Spécificité française, les consommateurs sont presque les seuls au monde à préférer les graines brunes, avec leur goût piquant. Ailleurs, c’est la graine blanche qui s’impose. Réimplantée en France il y a une trentaine d’années, la graine de moutarde brune est produite par environ 300 producteurs, qui comblent seulement un tiers des besoins nationaux.

Les ravages de la grosse altise

Comme un malheur n’arrive jamais seul, la grosse altise, un insecte ravageur, a causé des pertes allant jusqu’à 50 % des récoltes depuis deux ans. En outre, l’insecticide jusque-là utilisé pour l’éradiquer, le phosmet (vendu sous le nom de Boravi), est désormais interdit par un règlement européen en raison d’un « risque inacceptable pour les opérateurs, les travailleurs, les passants et les résidents » et d’un « risque aigu et chronique élevé pour les consommateurs et les organismes aquatiques ».

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Tout est donc réuni pour une pénurie durable de moutarde. Quant aux mayonnaises, qui en contiennent généralement autour de 5 %, elles commencent elles aussi à se raréfier en magasin. Conséquence : les industriels vont devoir faire preuve d’imagination pour remplacer ces condiments de base dans les plats préparés.

Trouver un pot de moutarde en supermarché est de plus en plus difficile. Une pénurie qui n'est pas seulement liée à la guerre en Ukraine. Elle résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs.

Depuis plusieurs semaines, les rayons de moutarde se vident, mais ne se remplissent pas. Dans un pays comme la France où la consommation moyenne est de 1 kilo par an et par personne, les distributeurs sont obligés de limiter l’achat à un ou deux pots face aux difficultés d’approvisionnement.

Sans surprise, le prix de ce condiment devenu rare a fortement augmenté, de près de 14% en un an, selon les données d’Iri. Et la situation n’est pas prête de s’arranger.

Luc Vandermaesen, président de l'Association Moutarde de Bourgogne, est pessimiste. Il craint que "cela ne prenne encore un peu de temps avant de pouvoir se réapprovisionner". Selon lui, les tensions devraient durer jusqu’en 2024, a-t-il confié au Monde.

Ralentissement de la production canadienne

Cette pénurie n’est pas uniquement liée à la guerre en Ukraine. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le pays de la moutarde de Dijon n’est pas un grand producteur de graines de moutarde. La France est donc obligée de s’approvisionner à l’étranger. Environ 80% des 35.000 tonnes de graines nécessaires sont importées du Canada.

Or, il devient de plus en plus difficile de s’en procurer. Le pays a diminué sa production de plants de moutarde au profit du blé, plus rémunérateur. Et le Canada a souffert d’un important épisode de sécheresse qui a fragilisé les cultures. Résultat, la production de graines canadiennes a diminué de moitié début 2022, pour atteindre 50.000 tonnes, selon le ministère canadien de l'Agriculture.

Une autre partie des graines importées en France vient de Russie et d'Ukraine. Depuis le début du conflit à l’Est en février, la livraison de ces graines est fortement perturbée.

Reconstituer la filière française

L’occasion de relancer la filière française? La Bourgogne, qui produit une petite partie des graines nécessaires aux fabricants, compte bien tirer profit de cette crise d'approvisionnement canadien et du blocage des importations à l'Est.

"Notre objectif est de tripler les surfaces cultivées dans notre région pour atteindre les 10.000 hectares, soit environ 1% des surfaces cultivables de la région. Les industriels de la filière ont aussi accepté de faire un effort et consenti à une augmentation du prix des graines qui leur seront livrées", explique aux Echos Fabrice Genin, président de l'Association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne (APGMP)

A condition de mettre au point des semences plus résistantes au climat et aux insectes afin d'avoir des rendements suffisants, la législation française en termes d'insecticides étant plus contraignante que celle d'autres pays, ce qui freine la création d'une véritable filière française.

Mais ces efforts ne paieront pas cette année. L'anglo-néerlandais Unilever, premier producteur de moutarde en France reconnaît que "la totalité des récoltes de graines de Bourgogne, seule, serait insuffisante pour couvrir l'ensemble de la production des moutardes Amora et Maille sur l'année".

Il lui manquera plus d'un tiers de ses besoins en graines de moutarde pour assurer ses volumes de production 2022, a affirmé l'entreprise aux Echos. Mais elle espère "retrouver les approvisionnements habituels dès réception de la prochaine récolte de graines en octobre 2022".

Le retour à la normale n'est donc pas prévu pour cette année. Néanmoins, comme pour l'huile de tournesol, certains distributeurs réussissent à garnir les rayons avec des marques inconnues venant souvent de pays de l'Est comme la Pologne ou la République Tchèque. Reste à savoir si le goût est le même.

Quand Retrouverons

Les stocks ne devraient revenir dans les rayons que dans les prochains mois voire en 2023. La moutarde, une denrée rare en 2022. Depuis plusieurs mois, la moutarde se raréfie en France. Dès décembre 2021, Michel Liardet, président de l'Européenne de Condiments prévenait d'un manque à venir pour cette année.

Quand le retour de la moutarde dans les supermarchés ?

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Quand la fin de la pénurie de moutarde ?

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Pourquoi pénurie de moutarde en 2022 ?

En cause : une grande sécheresse qui a touché le Canada, second producteur mondial de graines de moutarde. D'ordinaire, ce pays nous fournit 80% de nos graines de moutarde comme le rappelle Radio-Canada.